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2ème période

1940 à 1950

 

 

J'ai voulu faire danser...

<< A l'âge de 20 ans il m'a pris l'envie de monter un orchestre populaire et de faire danser.

Je ne savais rien de la musique. Il a fallu que j'apprenne d'abord le solfège, la théorie, et ensuite l'instrument. J'ai choisi le saxo parce que je savais que ce n'était pas difficile.

Je suis arrivé à convaincre trois copains, qui comme moi ne savaient rien de la musique, à participer à ce futur orchestre. Je leur ai appris moi-même le solfège et la théorie.

  Après trois ans d'apprentissage, lorsqu'on se sentit prêt on attaqua les bals populaires. On appela l'orchestre DONALD et ses BOYS. Un an après on le rebaptisa RYTM-MUSIC et il y eu un remaniement dans les musiciens. Deux ans après, changement de nom pour ATOMIC JAZZ et BIKINI JAZZ qui fut le dernier.

C'était au moment de la libération, et rapidement ça a très bien marché. Il fallait du rythme et on en avait.

On jouait les samedis, dimanches, jours fériés et parfois pour les mariages à la campagne. On gagnait plus d'argent dans les deux jours de la semaine que les cinq autres chez les patrons, ce qui m'a permis de m'établir à mon compte.

Ces bals ont duré cinq ans.

J'ai arrêté parce qu'il est arrivé le courant des orchestres aux rythmes américains, qui était une autre façon d'interpréter, que nous n'avons pas voulu remettre en question. Et d'autre part, nous en avions assez de cette expérience.

C'est à partir de ce temps là que je me suis lancé sérieusement dans la peinture que j'avais abandonnée pour la musique.

                        Raymond Reynaud

 

 

 

Mon Saxo Samson

Comment c'est arrivé ?

Comment est - il venu ?

Comment l'ai-je entendu cet air de mélopée ?

 

Cet air qui me charmait, cet air qui me grisait, cet air bien syncopé, cet air si bien rythmé, cet air qui me tournait .....

Qui me tourne toujours, qui me tourne toujours, qui me tourne toujours.

 

Comment c'est arrivé ?

Je ne saurai jamais, mais je l'ai tant aimé.

Mais je l'ai tant aimé, mais je l'ai tant aimé, mais je l'ai tant aimé .......

Dans mon cerveau gravé, dans mon cerveau fêlé, dans mon cerveau paumé, paumé, et à jamais, paumé et à jamais, paumé et puis paumé dans mon cerveau fêlé.

Comment s'est-il ancré ?

Jamais je l'oublierai... et tra la la la la et tra la la la la et tra la la la la et tra la la la la.

 

Et puis le temps tournait, et puis le temps passait, qu'est ce que je m'en foutais...

Sur le sable doré, le sel qui me collait, le soleil me chauffait, le sel qui me collait, le soleil me chauffait, j'était paralysée, ça me faisait rêver.

La mer qui ondulait, les vagues clapotaient, et les mouettes criaient, et les mouettes tournaient, et les mouettes valsaient, et les mouettes chantaient.

 

Et moi bien allongée, alors je me levais et ma tête a tourné.

Je me suis dirigée vers les rochers là bas d'où venait cet air là, je me suis dirigée vers les rochers là bas et ma tête a tourné.

Et puis à petits pas, et puis à petits pas, et puis à pas pressés, pressés oui d'arriver derrière ces rochers.

Un instrument jouait, un instrument chantait, un saxo baryton, Samson c'était son nom, un saxo en klaxon.

Le klaxon m'appelait, le saxo me disait, le baryton m'aimait, et moi aussi j'aimais.

 

Que j'aimais mon Samson, mon saxo Samson, mon baryton Samson !

C'est ma chanson à moi, ma chanson que pour moi.

Son air de mélopée, son air tourbillonnait, cet air qui m'emportait vers le château doré...

Vers le rocher là bas, car il était bien là.

Quand je suis arrivée à l'endroit du rocher, que je l'ai contourné, le son s'est arrêté.

La mer s'était calmée, et moi mon cœur battait derrière le rocher, derrière le rocher, derrière le rocher.

Il s'était envolé, il avait disparu, il avait disparu.

Tout mon corps a flanché, je me suis écroulée, et que j'ai pu pleurer, et que j'ai pu pleurer, et que j'ai pu pleurer, et puis que de regrets !

Était il noir ou blanc ?

Était il lait ou beau ?

Je l'avais dans la peau, je l'avais dans la peau, je l'avais dans la peau mon poète saxo.

Et que j'ai pu pleurer, et que j'ai pu pleurer ........

 

Je m'en suis donc allée, allée et m'enfermer, m'enfermer me coucher, me coucher pour pleurer.

Dans un sommeil profond je me suis endormie en pensant à Samson, mon baryton klaxon et à cette chanson.

Mon saxo mon Samson, et il m'a emportée dans un sommeil profond dans un grand tourbillon.

Il me faisait tourner, il me faisait rêver, ses bras qui me seraient, ses mains me cajolaient, puis il m'a embrassé, et nous nous sommes aimés, et nous nous sommes aimés, et nous nous sommes aimés.....

 

Je me suis réveillée, j'ai sauté de mon lit par un matin bien gris. Samson n'y était plus, où était-il passé ?

J'étais bien envoûtée par toutes ces pensées et pensées repensées, à mon saxo Samson, mon Samson Apollon, mon poète toujours, mon poète d'amour.

 

Que de pays j'ai vu !

Qu'est ce que j'ai bourlingué !

Qu'est ce que j'ai pu voguer !

Vague à l'âme perdu, vague à l'âme foutu, vague à l'âme vécu ...

 

Depuis, seule à Paris, ce Paris si joli, les années ont passé.

Je le cherche toujours, mon saxo mon amour, mon saxo des beaux jours, mon troubadour d'un jour, dans tous les coins des rues, et dans tous les faubourgs, et au fin  fond des cours, et au parc luxembourg.

A la place Beaubourg il y a des troubadours, mais c'est pas celui là, il n'a pas cet air là, mais c'est pas celui-ci, car il n'est pas joli.

Personne ne savait, personne ne jouait, personne ne chantait.

Ils l'avaient jamais vu, ils l'avaient pas connu, ils ne l'avaient pas cru.

Pourtant mon baryton, mon saxo mon Samson, je le cherche toujours.

Ils l'avaient jamais vu, ils l'avaient jamais vu, ils l'avaient vu mon saxo mon Samson.

 

J'ai fait aussi la scène, j'ai poussé ma rengaine dans les boîtes de nuit, et puis dans les bas fonds j'ai cherché mon Samson.

Et puis je ne sais plus, et puis je ne sais plus, et puis il a tant plu, et puis j'ai tant pleuré que tout c'est effacé de ce beau jour d'été.

Quel air jouait-il donc ?

Quel air jouait-il donc ?

Bon dieu dites moi donc.

 

Je l'ai presque oublié cet air que j'ai aimé, cet air qu'il me jouait.

Je me suis résignée, et j'ai abandonné car je suis fatiguée.

Jamais je ne saurai, je ne saurai jamais s'il était noir ou blanc, ou bien prince galant, je ne saurai jamais, et jamais je saurai où est mon baryton et mon saxo Samson.

J'ai perdu sa chanson.

 

Maintenant tout est fini. J'ai presque plus d'ennuis, je dors toutes les nuits.

Je descend au métro, l'été il y fait frais, l'hiver il fait bien chaud.

Porte de la Défense ça rime avec la chance.

Porte de Clignancourt ça rime avec amour.

Et porte des Lilas je suis passée par là.

Porte de l'Italie, ha quel joli pays !

Et puis tous ces couloirs, les marches à monter et à descendre après, et puis tous ces couloirs, ces couloirs presque noirs.

Direction de Pantin, ça sonne donc si bien.

 

Un klaxon a sonné, un klaxon en chanson.

Mon cœur a rebattu, tout n'est donc pas foutu.

Le son revenait donc, c'était bien celui là.

C'était bien cet air là.

C'était donc mon Samson, mon saxo baryton, mon saxo mon klaxon.

Dans mon cerveau fêlé, je fus donc emportée, à petits pas pressés, à petits pas pressés, le son se rapprochait, le son se rapprochait, et mon cœur qui battait, et ma tête tournait, et le klaxon tintait, et le saxo jouait.

Mon Samson m'appelait, et il jouait pourtant et au trois temps un temps, et au trois temps deux temps, et je me rappelais, et je me rappelais, et tra la la la la et tra la la la la et tra la la la la........

Et il se rapprochait, direction Italie, direction Charenton, direction Bienvenue, direction Griserie ...........

Direction ..........

 

C'était foutu ...

Car au tournant fatal, d'où l'air me parvenait, il n'y avait plus rien.

Le silence complet.

Pourtant c'était chouette, oiseau porte bonheur.

Pourtant c'était chouette, oiseau porte malheur.

Pourtant contre le mur, un tout petit niston, un message futur dans une partition.

Mon message à moi, ma poésie jolie.

Sa partition de lui, mon poète de joie.

C'est mon klaxon Samson, ma chanson en klaxon.

 

Je la relis relis, je la relis relis, et je la relierai et je la relirai, la chanson de Samson, de mon saxo Samson, de mon saxo klaxon, de mon saxo klaxon.

Quelle triste chanson !

Et tra la la la la et tra la la la la et tra la la pour mi et tra la la pour si et tra la la la la ...............

Et  tra la la la la et tra la la la la et tra la la la la ...... tra ....... la ..... la ...... la ...... la .......... tra ..................... la ............................ la ........................... la .....................................

 

 

                      Raymond Reynaud - poésie 1980

 

 

 

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