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1978 à 2005

 

 

La poésie des objets vieillis et blessés par le temps ...

<< Je ressens profondément la poésie des objets vieillis et blessés par le temps. Pour moi, ces objets sont porteurs d'une force intérieure mystérieuse qui me parle et me touche.

 
Que ce soit pour des réalisations de peintures ou pour des totems et assemblages, ces objets de récupération retrouvent une autre vie, deviennent des mondes habités, des êtres en mouvement, pleins de forces et de surprises. >>

Raymond Reynaud 

                    

 

La mariée décharnée 1985

Hauteur 150 Bois et matières diverses

 

La tête est figurative : on voit les 2 yeux noirs, le nez blanc, la bouche noire accompagnés d'un grand front et des cheveux tressés qui pendent. Le reste du corps est moins symbolique, mais il manque une unité entre les deux parties.

 

Le vieux roi   1985

Hauteur 170 Bois et matières diverses

La silhouette, mis à part les gants figuratifs, est homogène. L'expression du visage est mystique, le regard est profond. Il exprime une grande tristesse et une présence de pensée.

 

 

Pourquoi m'ont-ils attirés ? ...

<< Le bois que je trouve aux "bordilles", c'est comme le chien du chasseur : je suis le chien et le chasseur en même temps. 
 Je sens par l'instinct que c'est celui là que je vais prendre, et c'est après seulement que je le détaille, et le tourne, le regarde dans tous les sens, en long, couché, relevé, après des hésitations quand même je le ramasse et le mets dans la  "bagnole". 
La plupart sont moitié pourris, gluants, sales, brûlés, rongés par les termites ou les rats, collés de boue sèche, ou gluants selon que je les trouve au milieu des eaux stagnantes. 
 
Déchargés dans un coin du jardin, ils restent là un certain temps avant que j'y travaille. Il faut que ça m'attire, parfois c'est assez rapide, presque de suite, d'autres, il faut des semaines des mois, des années. 
Alors, quand je m'y mets, si c'est brûlé je gratte, si c'est rongé je traite, si c'est trop cassé je reconstitue avec du plâtre, comme quelque chose de blessé, parce que pour moi ça vit déjà. Après cela je les mets sur des socles et les peints tout en blanc, et là ça attend.
 
Je passe devant de nombreuses fois par jour, ils peuvent rester ainsi parfois longtemps, même plusieurs années. Après ces nombreux passages d'attente et de préparation, il faut que j'acquière une force intérieure, et lorsque je l'ai, je les habille, les colore, leur ajoute des éléments.
Ces bois que je travaille sont en attente comme ça tout une trentaine, grands ou petits.
 
Avec le temps, ils finissent pas se terminer, cela va de un mois à deux ans.
Pour les habiller, les assembler, je ramasse toujours aux bordilles tout un tas de choses en plastique, en fer, en bois, en vannerie, de la ficelle, etc. ... et ça s'amoncelle dans des petites cabanes en bois couvertes de tôle, que j'appelle mes grands magasins. Ces grands magasins bien entendu construits par moi-même ne sont que des récupérations trouvées à la décharge. >>

      Raymond Reynaud - 1985

 

 

 

Bois et matières diverses

 

 

Un serviteur du temps ...

<< Oui ! les "bordilles", c'est ma passion. ... J'y vais presque un peu tous les jours faire un petit tour. ...
 
Pour arriver à fabriquer quelque chose avec ce que je trouve, c'est un travail de patience. Pour la grande mariée, il m'a fallu 2 ans. De toute façon je suis un serviteur du temps. Il faut savoir attendre pour que le montage, qui du reste se réalise au fur et à mesure, arrive à son terme.>>

    Raymond Reynaud 

 

 

Poème  "Mes pantins de bois"

Mes pantins à moi, mes pantins de bois, mes pantins brûlés, mes pantins usés, mes pantins rongés, mes simples pantin.
Ils ont tout subi, ils ont tout compris, ils ont tout appris, mes pantins à moi, mes pantins de bois, mes pantins brûlés, mes pantins usés, mes pantins rongés, mes simples pantin.
Ils ont été beaux, matelots des eaux, gigolos dorés, Nana  falbala, jolies nénés, belles poupées. 
Pourtant les temps les ont usés, brûlés, rongés, déchiquetés.
Dans quel royaume avaient-ils vécu ? dans quel état ?
Que de chimère, que de misère, que de rêve !
Ils avaient passé les amours de jeunesse, ils avaient passé les amours de tendresse, ils avaient passé les amours de regrets.
De quel air, de quel feu, de quelle eau étaient t'ils nés ?
Qui les avait engendré ? qui les avait précédé dans le temps ?
Et pourtant je les ai trouvés mes pantins à moi, mes pantins de bois, mes pantins usés, mes pantins brûlés, mes pantins rongés, mes simples pantins.
Les uns recouverts de poussière, les deux recouverts de boue, des trois recouverts de tous, les quatre recouverts de cendres, les dix autres bien tendres, les cents autres bien mous, mes pantins à moi, mes pantins sans joie. 
Je les ai ramassé les uns, près des cendres grises, les autres prés des eaux usées, les autres aux décharges à termites, sales mites.
Je les ai ramassés, nettoyés, bien bichonnés.
Je les ai décapés, je les ai mastiqués, je les ai poudrés et fardés et pommadés, puis enfarinés.
Qu'ils étaient beaux.
Et j'en ai fait de mes pantins à moi, mes mannequins de bois, mes arlequins divins, mes polichinelles, mes colombines divines, mes arlequines fines, mes pierrots retro, mes caderousselles, mes magiciens de rêve et de comédie divine.
Que j'en ai fait ! que j'en ai fait ! que j'en ai fait ! et fait tant, et fait tant, et fait tant, et tant fait, tant et tant.
Et pourtant, et pourtant, dans ma comédie, je n'y suis point arrivé .....
Que m'est t'il arrivé ?
Mais pourquoi mes pantins à moi, mes pantins de bois, mes pantins brûlés, mes pantins usés, mes pantins rongés, mes simples pantins, mais pourquoi mes pantins sont devenus rupins ?

      Raymond Reynaud 

 

 

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