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Pourquoi
j'ai peint Don Quichotte et Sancho Pança ... (extrait)
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...Si on regarde bien comment à mon insu, j'ai construit le tableau, Don
Quichotte est à gauche : esprit du rêve; Sancho à droite :
matérialiste, mort.
Les
gens qui brûlent tout, je n'avais pas vu où ils partent , c'est un peu
comme un engrenage du ciel. Comme s'ils entendaient des voix, ainsi que
Jeanne d'Arc. Comme si les moulins leur envoyaient ces voix.
Au
balcon, la conquête, représentée par la femme dominatrice.
Au
dessus de tout ça l'Inquisition qui arrête tout le rêve. Il y a aussi
la servante et la nièce, au dessus et en hauteur. Elles arrêtent la vie
de Don Quichotte.
Dans
l'espace où Don Quichotte est sacré chevalier et où il est mort, au
dessus, Don Quichotte regarde et juge les hommes, son esprit est monté au dessus de
la composition.
En
ce qui concerne les moulins, ce sont les aventures du livre. Je pense
qu'il n'était pas nécessaire d'insister. Il valait mieux faire trois
choses telles que je les ai faites. J'ai fait de "Don Quichotte"
la rencontre entre deux hommes. Ils partent, voient les moulins et se
mettent tous deux à rêver.
Il
est quand même grave que l'esprit de Don Quichotte ait pu être entravé
par une servante, un curé un barbier. C'est la même chose dans notre
société avec les gangsters, les intérêts d'argent, l'ambition
politique, etc... C'est ça mon Don Quichotte merde ! C'est le triomphe de
la médiocrité, et de beaucoup de lois bourgeoises.
Don
Quichotte, pour moi, c'est le gladiateur dans l'arène. Cependant le
gladiateur une fois mis à mort, personne ne peut saisir son âme qui
monte au ciel, au dessus de l'arène, et s'en va ...
Un
ami m'a fait remarquer ces grandes rosaces. Ce sont des arènes, avec des
gens au milieu. Je ne m'en étais pas rendu compte. Ils sont au milieu et
l'esprit s'en va ... Cet esprit est dans l'ange annonciateur. Il peut
monter. L'ouverture existe. Dans l'autre rosace il y a des fumées, elles
s'envolent...
Autre
chose que je n'ai pas voulu consciemment : les livres brûlés, mais les
livres aussi partent ...
Ouverture
des deux côtés.
Don Quichotte, même en
prison ne perd pas son âme. Ils ne l'auront jamais. Ce
n'est pas l'apparent triomphe des médiocres. C'est la victoire des
poètes, oui, c'est ça.
Ce
n'est qu'à la fin, au moment de conclure, que je m'en suis rendu compte.
J'avais des éléments mais pas cette vision. Je suis content d'avoir
mené le tableau ainsi.
Le
reste, c'est de l'anecdote. "Don Quichotte" c'est les grandes
forces, à côté d'éléments plutôt symboliques. Il y a des Don
Quichotte, le curé ... On sent qu'ils étaient là au départ. Son destin
à lui était d'être tué, sacrifié.
Qu'est
ce que l'aubergiste ? un des cons, représentant de la société qui se
prend pour un juge. Il dit à Don Quichotte : "Vous pouvez
partir" au moment où il le sacre chevalier. Il ferait mieux de lui
faire comprendre que, dans la société où il vit, il vaudrait mieux
fermer sa gueule et retourner dans son grenier. Il aurait ainsi conservé
ses livres au lieu de poursuivre des chimères.
Des
innocents, des faibles, il n'en trouvera pas au cours de son voyage. Ce
qu'il trouve ce sont des moutons, un tas de choses ... Lorsqu'il rencontre
un berger, c'est pour recevoir une rouste ...
Pour
finir ce qui m'a donné envie de le peindre, c'est son appartenance à la
culture méditerranéenne. Il fait partie de nos racines profondes.
Raymond Reynaud 1994